21 décembre 2007

Les oraux

Mes cours à Paris sont terminés et réussis. Après une révision intensive d'une dizaine de jours, j'ai su relever le défi de l'évaluation « à la française ». En fait, lors de mon séjour de seize semaines en France, j'ai constaté notre influence anglo-saxonne qui, ma foi, ne me gêne aucunement. Il faut le répéter : le pragmatisme n'est pas une attitude philosophique française. Ceci étant dit, je ne peux maintenant que vilipender la méthode française.

À l'Université Laval, il y a ordinairement deux évaluations qui séparent également la matière du semestre tout en permettant à l'étudiant de réaligner son approche du cours selon le résultat obtenu à la mi-session. En règle générale à livre ouvert, les examens en droit sont constitués principalement de cas pratiques qui englobent l'ensemble de la matière à l'étude. À l'Université René-Descartes, j'ai subi cinq oraux. Des oraux ? Oui, des oraux. Des cas pratiques ? Non, un commentaire d'arrêt et quatre dissertations juridiques.

Le déroulement est souvent devant témoin, un autre étudiant stressé, ou bien seul en tête à tête avec le professeur qui impose aléatoirement un sujet précis. Par exemple, en droit du marché intérieur européen, on m'a dit : « Parlez-moi de l'arrêt Cassis de Dijon. » Paradoxalement, à Laval, je peux lire des jugements entiers sans être questionné précisément sur les faits, les arguments invoqués par les parties ou l'évolution jurisprudentielle et me voilà interrogé à Paris sur un arrêt dont je n'ai jamais lu une ligne ! À titre indicatif, je vous énumère les autres thèmes affrontés : le droit pénal à l'époque franque, la préservation de la faune et de la flore, le régime parlementaire en Europe et la portée de la Convention de Vienne de 1969.

Une préparation de dix minutes est possible à la discrétion du professeur, sinon c'est du direct sur la sellette. Pour un néophyte de cette méthode, l'exercice intellectuel est considérable, car il faut gérer à la fois son stress et puiser dans ses connaissances souvent superficielles du sujet. De plus, il faut prendre le contrôle de la discussion, puisque ce n'est pas l'interviewer qui doit être principalement entendu. Cependant, ce dernier prend un malin plaisir à te déstabiliser après ton premier jet, parce que c'est le moment de te cuisiner. Ayant déjà une idée de la note, le professeur t'amène alors sur des avenues obscures, parfois inexplorées en classe, dans l'objectif de circonscrire le résultat. Inhibé par la nervosité, il faut saisir une perche tendue pour revenir sous les projecteurs, mais il est curieusement impossible de suivre la digression de l'interrogateur qui continue toujours de parler.

Bref, la méthode d'évaluation est loin d'être objective et égalitaire. De plus, il est difficile de concevoir qu'une épreuve portant sur une partie négligeable de la matière puisse tracer un juste portrait de la maîtrise du cours.

20 décembre 2007

L'abus des abréviations

Mot tronqué ou acronyme, les Français affectionnent particulièrement les abréviations. Il y a ces raccourcis critiquables : intituler une section d'un journal « Actu internationale » ou le professeur d'université qui parlera de l'importance de la « culture G », comprendre culture générale, pour les concours de la fonction publique. Il y a ces initiales énigmatiques qui sèment la zizanie chez les non-initiés : DST pour devoir sur table (expression qui signifie une évaluation en classe, puisque les devoirs à la maison seraient vraisemblablement rédigés autrement), QCM pour questionnaire à choix multiples (moyen de donner une certaine prestance à la paresse du correcteur) et les Têtes à Claques devenues les TAC (à ne pas confondre avec l'expression familière). Pour le reste, j'appuie Gérard D. Laflaque.

14 décembre 2007

Métamorphose matinale

La cacophonie du boulevard Ornano ne se limite pas au bruit des sirènes. Il y a également cette métamorphose matinale qui se reproduit assidument les mardi, vendredi et dimanche. Pour ces jours, de 7h à 14h30, une portion de l'artère, évidemment celle où ma résidence est située, se transforme en marché. Un brouhaha comme réveil-matin, qui dit mieux ? Vous pouvez cliquer directement sur les photos pour avoir un meilleur aperçu.


À la fin de la journée, il faut démonter les installations, mais surtout faire la cueillette des détritus. Propreté de Paris à la rescousse !

11 décembre 2007

Le bruit des sirènes

En 2003, le Nouvel Observateur classait le boulevard Ornano comme axe noir, c'est-à-dire une des artères les plus encombrées, les plus bruyantes, les plus polluées et les plus dangereuses de Paris. Ayant vue de la fenêtre de mon studio sur cette rampe de lancement pour tout ce qui est service d'urgence, je confirme le bruit incessant des sirènes. Hier, errant au bord de la Seine, j'ai pris ce vidéo pour vous partager ce que je peux immanquablement entendre plusieurs fois par jour.



Depuis 2003, il y a eu la création de couloirs pour partager la chaussée entre les autobus et les voitures et d'aménagements de sécurité pour les piétons, mais le trafic du boulevard Ornano demeure infernal dans ce quartier réputé coupe-gorge. Pour terminer, je vous propose un reportage de 2002 sur la délinquance dans le 18e arrondissement, thème toujours actuel.

10 décembre 2007

France analysée du Québec

Je vous partage une analyse intéressante de la politique française faite le 22 novembre à Télé-Québec par Joseph Facal et Vincent Marissal.

6 décembre 2007

Grève ?

Un conflit de neuf jours dans les transports a forcément eu des répercussions sur l'économie française. D'une part, les usagers bénéficieront d'une réduction sur la carte mensuelle et hebdomadaire pour le mois de janvier. Cette indemnité représente des pertes de 60 millions d'euros pour la région de l'Île-de-France, sans prendre en considération le manque à gagner occasionné par la gratuité du service en temps de grève. D'une autre part, le tourisme refroidi, les congrès annulés et les habitudes bousculées ont approximativement coûté 3,6 milliards d'euros à l'économie. Pour les entreprises, le mois de novembre aura donc duré trois semaines, contrairement à la compétition étrangère. D'ailleurs, le conflit social n'est pas terminé. Après un retour positif à la table des négociations, voilà que, dans l'objectif de faire pression, les syndicats lorgnent une autre journée de débrayage pour le 12 décembre... Enfin, il faut signaler la manifestation du 18 novembre dernier contre les grèves. À la rue, citoyens ? Marchons, marchons !

2 décembre 2007

Une France réformée ?

Tel que paru dans le Journal le Verdict, troisième parution de l'année 2007-2008.

Élu il y a six mois comme président de la République française, Nicolas Sarkozy continue d’émouvoir la France. Son nouveau contrat social, qui met en avant-plan le travail, le mérite et l'égalité des chances, a actuellement l’appui de la majorité des Français. En considérant que le système social français n’est pas tenable financièrement, décourage le travail et n'assure pas l'égalité des chances, le nouveau président n’a pas tardé à entamer sa croisade contre le statu quo.


Des grèves impopulaires


La première réforme attaquée est celle des régimes spéciaux de retraite qui compensent la pénibilité et la dangerosité de certaines professions, par exemple une prime du charbon pour les cheminots. Cette réforme longtemps esquivée consiste à harmoniser la durée de cotisation requise pour une pension à taux plein avec l'allongement de l'espérance de vie, en équité avec le régime de la fonction publique. Après trois jours de perturbations dans le transport en commun au mois d’octobre, la grève s’est répétée à la mi-novembre, mais une mobilisation amenuisée ne peut qu’inciter les centrales syndicales à négocier. En parallèle, pour le jour du vote du budget à l'Assemblée nationale, une grève est appelée par les syndicats de la fonction publique pour dénoncer les suppressions de postes tout en exigeant l'ouverture à des négociations salariales, une initiative appuyée par les fédérations syndicales de l'Éducation.

De surcroît, le Syndicat de la magistrature et trois principaux syndicats de fonctionnaires de justice ont appelé à une journée de grève nationale pour le 29 novembre contre la réforme de la carte judiciaire, c’est-à-dire la suppression d’une myriade de juridictions. Accumulant les réformes spectaculaires, Nicolas Sarkozy a demandé à sa ministre de la Justice de se pencher sur la possibilité de traduire devant un tribunal l'auteur d'un crime, même s'il a été jugé irresponsable au moment des faits. Finalement, un mouvement de contestation est présent dans le milieu étudiant au sujet du la loi portant le nom de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Précresse. Le projet de loi prévoit que les universités acquièrent d’ici cinq ans une autonomie budgétaire tout en renforçant les pouvoirs du président d’université, par exemple un droit de veto sur le recrutement du personnel enseignant et administratif. Les universités auraient d’ailleurs la possibilité de recourir à des fonds privés, notamment par le biais de fondations, et de devenir propriétaires de leurs biens immobiliers. La crainte d’une privatisation des établissements et d’une augmentation des droits d'inscription motive les étudiants à se mobiliser, mais rien de comparable au Contrat première embauche de 2006.

Un président fort


Nicolas Sarkozy, qui prône un régime présidentiel, avait chargé Édouard Balladur, ancien mentor et premier ministre, de présider le Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions. Cependant, les prépositions finales du Comité ne concordent pas avec l’avènement d’un président aux pouvoirs grandement renforcés. M. Sarkozy a tout de même adressé une « lettre d’orientation » à son premier ministre, François Fillon, pour que celui-ci donne suite à la réforme des institutions en consultant l’ensemble des partis politiques du pays. Une des idées retenues par le chef d’État est l’intervention du président de la République devant le Parlement suivie d'un débat, alors que cela lui est présentement interdit en vertu du principe de la séparation des pouvoirs qui tire son fondement de la Révolution française. En fait, le président français peut actuellement s’adresser directement à n’importe quel Parlement national sauf le sien. Par exemple, le 7 novembre dernier, M. Sarkozy a plaidé pour la grandeur de l’Amérique lors d’un discours largement apprécié par le Congrès américain. Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, qui a une position similaire aux États-Unis sur la question iranienne, les relations entre Paris et Téhéran se sont indéniablement tendues. M. Sarkozy a évoqué deux scénarios : « La bombe iranienne, ou le bombardement de l’Iran. » Puis, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a suggéré la possibilité d’une guerre tout en appelant ses homologues européens à agir sur le dossier nucléaire iranien.

Un automne chaud


Ayant l’appui de l’opinion générale face aux grévistes, Nicolas Sarkozy bénéficie d’un avantage dans l’épreuve de force, mais une paralysie sociale pourrait remettre en doute ses qualités de réformateur. Le conflit social majeur dans lequel la France est engagée n’est pas terminé, mais des signes d’apaisement du mécontentement permettent de présager l’aboutissement des réformes sociales. Le premier ministre du gouvernement a confié hors antenne à des journalistes qu'il irait plus fréquemment sur le terrain s'il n'était pas constamment doublé par le président de la République. Le danger qui guette Nicolas Sarkozy est une saturation médiatique, une usure de l'impact de son image. En poussant à son paroxysme l’utilisation des médias comme instrument politique, le président français n’a pu qu’être écorché sur la place publique à la suite du divorce avec sa femme Cécilia. Pour le moment, les réformes sociales au programme ne semblent pas compromises, mais l’automne demeure très chaud à Paris.