2 décembre 2007

Une France réformée ?

Tel que paru dans le Journal le Verdict, troisième parution de l'année 2007-2008.

Élu il y a six mois comme président de la République française, Nicolas Sarkozy continue d’émouvoir la France. Son nouveau contrat social, qui met en avant-plan le travail, le mérite et l'égalité des chances, a actuellement l’appui de la majorité des Français. En considérant que le système social français n’est pas tenable financièrement, décourage le travail et n'assure pas l'égalité des chances, le nouveau président n’a pas tardé à entamer sa croisade contre le statu quo.


Des grèves impopulaires


La première réforme attaquée est celle des régimes spéciaux de retraite qui compensent la pénibilité et la dangerosité de certaines professions, par exemple une prime du charbon pour les cheminots. Cette réforme longtemps esquivée consiste à harmoniser la durée de cotisation requise pour une pension à taux plein avec l'allongement de l'espérance de vie, en équité avec le régime de la fonction publique. Après trois jours de perturbations dans le transport en commun au mois d’octobre, la grève s’est répétée à la mi-novembre, mais une mobilisation amenuisée ne peut qu’inciter les centrales syndicales à négocier. En parallèle, pour le jour du vote du budget à l'Assemblée nationale, une grève est appelée par les syndicats de la fonction publique pour dénoncer les suppressions de postes tout en exigeant l'ouverture à des négociations salariales, une initiative appuyée par les fédérations syndicales de l'Éducation.

De surcroît, le Syndicat de la magistrature et trois principaux syndicats de fonctionnaires de justice ont appelé à une journée de grève nationale pour le 29 novembre contre la réforme de la carte judiciaire, c’est-à-dire la suppression d’une myriade de juridictions. Accumulant les réformes spectaculaires, Nicolas Sarkozy a demandé à sa ministre de la Justice de se pencher sur la possibilité de traduire devant un tribunal l'auteur d'un crime, même s'il a été jugé irresponsable au moment des faits. Finalement, un mouvement de contestation est présent dans le milieu étudiant au sujet du la loi portant le nom de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Précresse. Le projet de loi prévoit que les universités acquièrent d’ici cinq ans une autonomie budgétaire tout en renforçant les pouvoirs du président d’université, par exemple un droit de veto sur le recrutement du personnel enseignant et administratif. Les universités auraient d’ailleurs la possibilité de recourir à des fonds privés, notamment par le biais de fondations, et de devenir propriétaires de leurs biens immobiliers. La crainte d’une privatisation des établissements et d’une augmentation des droits d'inscription motive les étudiants à se mobiliser, mais rien de comparable au Contrat première embauche de 2006.

Un président fort


Nicolas Sarkozy, qui prône un régime présidentiel, avait chargé Édouard Balladur, ancien mentor et premier ministre, de présider le Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions. Cependant, les prépositions finales du Comité ne concordent pas avec l’avènement d’un président aux pouvoirs grandement renforcés. M. Sarkozy a tout de même adressé une « lettre d’orientation » à son premier ministre, François Fillon, pour que celui-ci donne suite à la réforme des institutions en consultant l’ensemble des partis politiques du pays. Une des idées retenues par le chef d’État est l’intervention du président de la République devant le Parlement suivie d'un débat, alors que cela lui est présentement interdit en vertu du principe de la séparation des pouvoirs qui tire son fondement de la Révolution française. En fait, le président français peut actuellement s’adresser directement à n’importe quel Parlement national sauf le sien. Par exemple, le 7 novembre dernier, M. Sarkozy a plaidé pour la grandeur de l’Amérique lors d’un discours largement apprécié par le Congrès américain. Depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, qui a une position similaire aux États-Unis sur la question iranienne, les relations entre Paris et Téhéran se sont indéniablement tendues. M. Sarkozy a évoqué deux scénarios : « La bombe iranienne, ou le bombardement de l’Iran. » Puis, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a suggéré la possibilité d’une guerre tout en appelant ses homologues européens à agir sur le dossier nucléaire iranien.

Un automne chaud


Ayant l’appui de l’opinion générale face aux grévistes, Nicolas Sarkozy bénéficie d’un avantage dans l’épreuve de force, mais une paralysie sociale pourrait remettre en doute ses qualités de réformateur. Le conflit social majeur dans lequel la France est engagée n’est pas terminé, mais des signes d’apaisement du mécontentement permettent de présager l’aboutissement des réformes sociales. Le premier ministre du gouvernement a confié hors antenne à des journalistes qu'il irait plus fréquemment sur le terrain s'il n'était pas constamment doublé par le président de la République. Le danger qui guette Nicolas Sarkozy est une saturation médiatique, une usure de l'impact de son image. En poussant à son paroxysme l’utilisation des médias comme instrument politique, le président français n’a pu qu’être écorché sur la place publique à la suite du divorce avec sa femme Cécilia. Pour le moment, les réformes sociales au programme ne semblent pas compromises, mais l’automne demeure très chaud à Paris.

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