20 octobre 2007

Mésaventure à Amsterdam

Au summum de mon séjour à Amsterdam, nous étions treize Québécois. Ce rafraîchissant retour aux sources m'a permis de relâcher les muscles tendus de la mâchoire occasionnés par l’accent français dit international qui prescrit mon quotidien. En fait, je côtoie constamment des étudiants étrangers qui sont en immersion française, ainsi l'accent québécois ne survit pas aux présentations. Ayant mon train de retour le lundi en soirée contrairement aux autres globe-trotters, j'affronte la ville hollandaise en solitaire pour ma dernière journée.

Je passe paisiblement mon temps libre à accumuler les cadeaux-souvenirs entre une intrusion furtive au Musée du sexe et une tournée d’adieu à la ville. En après-midi, toujours dans la perspective de dépenser mes économies, je flâne sur un boulevard principal. Suivant mon intuition légendaire, je me dirige nonchalamment sur une rue perpendiculaire quelconque. Or, la malchance vient ébranler ma quiétude, puisque je dois affronter un trottoir rétréci en raison de travaux d'aqueduc. Continuant dans cette direction, je tombe face à face avec un homme de race noire, mi-trentaine. Je reste indifférent lorsqu'il me dit « hasch » à l'oreille, car après quatre jours à Amsterdam, on devient inéluctablement blasé des vendeurs de drogue qui harcèlent les passants à chaque coin de rue. Je poursuis mon chemin, mais sans succès. Me bloquant le passage, l’inconnu m’a déjà saisi fermement le bras gauche et me pointe un couteau à cran d'arrêt sur mon abdomen. S’approchant de nouveau de mon oreille, il me parle en anglais. Pour faire un résumé des deux minutes de cauchemar, le voyou me répète de me taire si je tiens à la vie et que je dois le suivre, car il est littéralement désespéré. Ce moment est totalement surréaliste, une terrible aberration étant donné que je me promenais sur un boulevard affluant à 14h30. Par conséquent, l’incompréhension inhibe la réaction, mais l’étude des scénarios revient promptement sur la table de travail.

En toute vérité, il n'y a pas de solution miracle, encore moins d’armes secrètes contre ce genre d’imprévu regrettable. J'ai tout de même la rapidité d’esprit de déduire son stratagème, soit l’utilisation de la peur pour m’amener copain-copain à un endroit où il sait qu'il aura la tranquillité désirée. Ensuite, il me fait les poches ou bien il veut seulement me diriger à un café qui vend des drogues douces pour que je lui procure sa dose de la journée. Ma seule certitude est que suivre ce fou est absolument inconcevable. Cependant, si je m'énerve, celui qui n’a plus rien à perdre de la vie peut perdre la tête et me poignarder dans un lieu public en plein après-midi. Je peux toujours le frapper d'une solide droite. Suis-je vraiment un boxeur amateur ? Si je le manque, il sera plus agressif. Si j’atteins la cible, mais le coup porté n'est pas efficace, je viens de perdre gauchement l'effet surprise. C’est assez, je m'énerve : « I don't understand English ! » Puis, j'essaye de me sortir de son emprise. Heureusement, il doit me lâcher. Il est repéré. Les gens autour sortent de leur état second pour saisir qu'ils assistent à une situation anormale. Un travailleur de la construction semble même se diriger vers nous. Dès que je retrouve ma liberté, je retourne hâtivement sur mes pas. Je remarque la vermine traverser le boulevard en me menaçant verbalement. En état de choc, j'entre dans le premier magasin. Tout semble d'ores et déjà lointain, un passé qui n'est pas le mien ou tout simplement l'extrait d'un mauvais film.

Je n’ose pas imaginer ce qui aurait pu se produire s’il ne m’avait pas laissé partir. Je continue à déambuler le boulevard à la recherche d’un représentant de la loi, mais autant cherché une épine dans une botte de foin. La veille, j'ai pourtant eu la chance d’observer deux policiers à cheval en train de pourchasser un brigand dans le quartier rouge d’Amsterdam. C’était vraisemblablement un spectacle de vie nocturne au détriment d’un moyen efficace de poursuite dans les petite ruelles d'une ville européenne. Finalement, lorsque trente minutes plus tard, j'aperçois des agents de la police à la gare de train, l'énergie de faire une déposition me fait désormais défaut. L’abomination m'a complètement vidé. Je m'assois alors sur un banc cherchant à remonter à la source.

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