7 septembre 2007

Pour un centime

En début de soirée, je suis dans une petite épicerie de la chaîne Franprix à une rue de ma résidence. Je zieute les bouteilles d'eau lorsqu'une femme commence à gueuler, mais vraiment gueuler. Je me déplace un peu pour finalement entrevoir une dame d'origine africaine en train de sermonner le pauvre caissier. Autour d'eux, les gens patientent pour payer ou assistent tout bonnement à l'affrontement. En retournant sur mes pas, un monsieur à la tête grisonnante m'apostrophe : « Putain, elle a raison la dame. Regardes. » Il me pointe des canettes de bière qui se détaillent à l'unité pour 83 centimes. À la caisse, elles coûtent plutôt 84. « Moi je m'en fous pour un centime. Mais ils n'ont qu'à les changer leurs étiquettes. » L’inconnu prend alors la canette de bière en question pour ensuite se diriger à la caisse.

J'imagine que la dame s'est débattue comme le Diable dans l'eau bénite pour avoir la gratuité de son produit. Mais l'idée de ce billet est les réactions disproportionnées. J'ai vu des personnes se faire insulter parce qu'elles nuisaient à la libre circulation dans le métro. J'ai également vu une meute d'étudiantes et d'étudiants de l’Université René-Descartes en colère. Ils venaient d'apprendre que le bureau d'inscription allait être fermé pour le reste de la journée en raison de problèmes informatiques. Par conséquent, l'attente d'une heure s'avérait inutile. Ils exigeaient presque le remboursement de l'heure perdue. Ensuite, à l'accueil de la Préfecture de police de Paris, la préposée regarde l'heure, la file derrière moi et crie haut et fort à sa collègue : « Bordel ! Qu'est-ce qui se passe pour un vendredi après-midi ? Ils sont tous fous ? » Bravo au service à la clientèle.

Je n'ai pas encore terminé mon analyse, mais je peux m'avancer sur deux points : désorganisation et disproportion des réactions. Franchement, tout semble désorganisé. Le 17 juillet dernier, je reçois tout d’abord un courriel m’annonçant, par l’intermédiaire d’une employée de l’Université René-Descartes, que le Crous n'a aucun logement à me proposer. Je n’ai même pas le temps d’être déçu, puisque le message suivant, envoyé quelques heures plus tard, me fait part d’un désistement. Il est également mentionné que j'ai jusqu’au 20 juillet pour accepter. Je m’empresse donc à démontrer de l'intérêt. Je suis refroidi lorsque j’apprends que je dois payer cinq mois de loyer malgré que mon échange n'en nécessite que quatre. À prendre ou à laisser. C’est à ce moment que tout se complique. Par des courriels non répondus, des sonneries qui s’éternisent, je suis forcé de constater que le Bureau international de Faculté de droit de René-Descartes est fermé depuis le 20 juillet jusqu'à la fin du mois d'août. Bref, la date limite le moment où la communication ne devenait plus possible et non celle pour me décider... Est-ce que mon dossier a eu le temps d'être transféré de René-Descartes au Crous ? Six jours avant de partir, j’apprends finalement du Crous que je m’appelle Jean-François et je suis Allemand...

Arrivé sur place, le préposé de la résidence, qui doit faire signer le contrat, donner les clés et faire l'état des lieux, est seul et surchargé, car la majorité des locataires arrive le premier jour ouvrable du mois. « Ils sont fous. Moi, je quitte à 16 heures. Les autres devront coucher à l'hôtel. Ils sont fous. » Inévitablement, la désorganisation rend les humeurs explosives. Quand un système est foncièrement désorganisé, le seul moyen d'obtenir un service de qualité est peut-être de gueuler comme un effronté, même si ce n’est que pour un centime…

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